Le raisonnement du point de vue de la psychologie cognitive

Cet article aborde le problème du raisonnement formel et du raisonnement en situation en résumant les chapitres de l'ouvrage de J.-F. Richard (Richard, 1990) qui s'y rattachent.

Les inférences dans le raisonnement inductif

Ce sujet fait est traité dans le chap. V de l'ouvrage de Richard (1990) où l'auteur propose de classer les activités de raisonnement selon deux critères:

  1. La finalité, orientée vers la compréhension ou l'élaboration de décisions d'action
  2. La direction, généralisation ou particularisation

Les inférences issues du raisonnement inductif sont orientées vers la compréhension et sont des généralisations faites à partir d'observations. Voir Généralités sur le raisonnement

La formation et l'évaluation d'hypothèses

Le raisonnement inductif

Ce raisonnement porte sur l'identification de règles de classification. On peut décrire les stimulus à partir de leurs attributs binaires (petit-grand,bleu-jaune, …). L'expérimentateur choisit une règle de classification qui définira l'information fournie. Lévine (1966, 1975) met en place un test pour voir si le sujet construit des hypothèses. Lorsqu'un sujet reçoit une information, il va émettre une hypothèse qui dirigera ses choix futurs. Le test porte sur la présentation d'objets comportant des caractéristiques binaires (bleu ou jaune, grand ou petit) et l'information est fournie en indiquant si l'objet appartient ou non à la classe déterminée. Il y a deux possibilités pour émettre une hypothèse:

  • le stimulus possède la propriété qui définit la classe, c'est la notion d'exemple
  • Le stimulus ne possède pas la propriété qui définit la classe, c'est le contre-exemple

Les exemples apportent plus d'information que les contre-exemples, lorsqu'il y a plus de deux valeurs possibles pour chaque caractéristique.

On distingue plusieurs éléments dans la formation et le test d'hypothèses:

  1. La nature de l'information (positive ou négative). Un exemple vient confirmer ou infirmer une hypothèse (Hypothèse=bleu Objet=bleu Info=OUI) confirme notre hypothèse et la renforce; (Hypothèse=petit Objet=grand Information=OUI), infirme notre hypothèse, il faut donc l'abandonner. Si l'information est négative, il est plus difficile de conforter ou d'abandonner une hypothèse, car il faut déduire le vrai (H=petit O=petit I=NON) malgré l'infirmation, on gardera plus facilement son hypothèse; (H=bleu O=jaune I=NON) malgré la confirmation de l'hypothèse, elle sera moins renforcée qu'avec une information positive, car il n'y a pas d'expérimentation directe, mais une déduction à faire. Ceci ressemble à A propos de la démarche standard / La règle de Nicod, dans le sens qu'une expérience positive confirme plus notre hypothèse qu'une expérience négative, qui pourtant apporte également de l'information.
  2. La nature de l'hypothèse (une propriété élémentaire ou une combinaison de propriétés). Il est plus facile d'identifier une règle qui ne possède qu'une seule propriété.
  3. Le nombre d'hypothèses traitées simultanément. Une information permet d'éliminer un certain nombre d'hypothèses encore plausibles avant qu'elle n'arrive. On poursuit le processus, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une hypothèse, qui sera donc la solution. On peut aussi ne traiter qu'une hypothèse, en la gardant jusqu'à ce qu'elle soit infirmée. Le nombre d'hypothèses prises en compte dépend du niveau de développement de la personne. La complexité de la situation peut influencer le traitement, même chez les adultes.
  4. L'évolution génétique des règles de décision dans le test d'hypothèses. Au départ (6-7ans), l'enfant traite une hypothèse constituée par une propriété de l'objet.

Dans la deuxième étape (8ans), l'enfant peut traiter l'hypothèse alternative (H=bleu O=bleu I=OUI, alors bleu est accepté et jaune est rejeté!)

À partir de là, le développement se fait dans deux directions:

  • généralisation du test à toutes les caractéristiques de l'objet. La même information est utilisée pour tester des hypothèses sur plusieurs dimensions.
  • hypothèse sur la dimension, sur toutes les propriétés de l'objet et plus sur une seule valeur.

Recherche d'information pour la vérification d'hypothèse

On teste une hypothèse afin qu'elle soit confirmée par une information positive. Ceci se fait pour les enfants et les situations complexes. Un exemple est plus convaincant qu'un contre-exemple, même si il y a relation d'équivalence entre une hypothèse testée et une hypothèse alternative. Le biais de confirmation a été décrit par Wason (1977), qui l'a expérimenté sur des étudiants. On en revient à la règle de Nicod, voir une vache blanche confirme moins fortement que de voir un corbeau noir. La confirmation directe apporte un degré de conviction plus important que la confirmation indirecte (invalidation de l'hypothèse alternative), mais ceci, même si il y relation d'équivalence.

Le raisonnement expérimental présente des erreurs du point de vue logique. On traite une hypothèse après l'autre, on ne test qu'un seul facteur, sans prendre en compte les autres. L'auteur relève ces points dans un raisonnement de classification en situation unidimensionnelle et ajoute la différence entre subjectif et objectif (je suis sûr à 70%, je suis sûr que ça se passera à 70%).

Cette tendance à chercher la confirmation soulève les difficultés de raisonnement déductif basé sur la logique de la réfutation.

Le raisonnement déductif, la déduction à partir des prémisses

Ce thème est traité dans le chap. VI de l'ouvrage de Richard (1990).

Ce type de raisonnement cherche à comprendre et est orienté vers la particularisation. (Syllogismes et mathématique) On pourra, à profit, se référer à la théorie logique sous Théories

Le raisonnement par exclusion: On conclut la vérité d'un énoncé en démontrant la fausseté de toutes les autres alternatives possible. Du point de vue cognitif (Piaget), il y a primat du vrai sur le faux.

Exemple: 3 prisonniers ont un dossard tiré au sort sur 5 (2 noirs et 3 blancs). Placés en file, le premier qui voit les deux autres dit je ne peux pas savoir quel est mon dossard, le deuxième qui ne voit que le dernier dit je ne peux pas savoir quel est mon dossard et le troisième dit je sais! Comment est-ce possible? La difficulté de ce raisonnement est qu'on procède par exclusion. En effet, si le premier ne peut pas savoir quel est son dossard, c'est que les deux autres n'en ont pas 2 noirs. Il reste donc les possibilités suivantes, 1 noir et 1 blanc ou 2 blancs. Si le deuxième affirme qu'il ne peut pas savoir, c'est que celui devant n'a pas un dossard noir. Celui de devant a donc forcément un dossard blanc!

Les syllogismes conditionnels: La co-occurence et la co-absence sont avantagés. C'est le même principe que pour l'exemple et le contre exemple.

Il est montré que la familiarité d'une situation permet plus de réponses correctes aux expériences. Cheng et Holyoak (1985) expliquent le schéma d'autorisation qui consiste en ce qu'une action peut être faite si une autre action a déjà été faite (prérequis). Ce schéma montre que ce n'est pas l'expérience spécifique, mais la possibilité de rattachement de celle-ci par la mémoire qui importe.

Il faut pouvoir rattacher la situation à un schéma rendant manifeste le cas de violation, sinon, on utilise le cas qui vérifie la règle. Les erreurs faites dans les inférences ne sont donc pas de l'application de règles erronées de déduction.

Les inférences reposant sur l'inclusion: La quantification de l'inclusion. Piaget a montré quelle était maîtrisée dès 7-8 ans. Ex: “j'ai 5 marguerites et 3 roses. Est-ce que j'ai plus de marguerites ou plus de fleurs?” L'enfant doit prendre en compte la quantité de la classe et de la sous-classe. S'il n'y a pas d'objet (on ne donne pas de chiffre), il faut attendre 9-10 ans pour une majorité de réponses correctes. Ex: “j'ai des pommes et de pêches. Est-ce que j'ai plus de pommes ou plus de fruits?” (Voelin, 1976; Bideaud et Lautrey, 1983). Regardons une situation de calcul d'effectifs dans une distribution de classes cumulées. Ex: Il y a des enfants qui ont soit 7, soit 8, soit 9 ans. 22 enfants de plus de 6 ans, 16 de plus de 7 ans et 11 de plus de 8 ans. Combiens ont 8 ans? Cette situation est plus compliquée. Les connaissances pragmatiques aident à raisonner. Ex: plus de réponses justes dans le problème: Pierre reçoit de l'argent tout les jours, le lundi il a 2F dans sa tirelire, le mardi 6F, le mercredi 9F, … Combien a-t-il reçu le mardi? On infère plus facilement qu'on garde les 2F du lundi, que les plus de 6 ans ont 7 ans. Il y a donc une inférence due à l'expérience et une à trouver dans la donnée du problème.

Les syllogismes catégoriques: On constate deux prémisses quantifiées ayant un terme commun: chacune énonce une relation entre deux termes (le premier et le deuxième, le deuxième et le troisième) et la conclusion consiste à déterminer la relation entre le premier et le troisième terme. Exemple: Tous les A (corbeaux) sont des B (oiseaux). Tous les C (hiboux) sont des B (oiseaux). On ne peut pas conclure sur la relation entre A et C. Caractéristiques: - les prémisses sont quantifiables (universelle → tous ou particulière → certains) - les prémisses sont qualifiables (affirmative → tous ou négative → aucun) L'effet d'atmosphère résumé par Begg et Denny (1969): (1) si une prémisse au moins est particulière, alors la conclusion est particulière, sinon elle est universelle. (2) si une prémisse au moins est négative, la conclusion est négative, sinon elle est affirmative (d'après Evans, 1982)

Des erreurs de raisonnement peuvent survenir, selon Chapman et Chapman (1959) de la conversion des termes (tous les A sont B en tous les B sont A) et du principe de l'inférence probable (si deux objets ont des qualités ou des effets communs, ils ont des chances d'être les mêmes).

Johnson-Laird (1978, 1980, 1987) avance l'idée que les sujets raisonnent en construisant des modèles mentaux. On construit une représentation spécifique compatible avec les prémisses. Cette construction orientée (car elle ne prend pas en compte tous les arrangements possibles) peut amener à une conclusion abusive. Une seule des configurations possibles est envisagée. Si on envisage toutes les configurations, on conclut à l'impossibilité de conclure sur la relation entre A et B.

“Les sujets raisonnent bien dans les domaines où ils ont de l'expérience, parce qu'ils pensent facilement aux contre-exemples. Ils n'ont pas besoin de faire de la déduction” (p.186) Les difficultés des syllogismes tiennent au fait qu'ils ne respectent pas la maxime de la conversation de Grice, consistant à ce que le locuteur donne toute l'information pertinente dont il dispose. Ici, certains ou quelques peuvent vouloir dire tous, alors que dans le langage naturel, ces termes sont restrictifs.

Au lieu de déduire, les sujets utilisent des schémas pragmatiques, ils construisent une représentation particularisée de la situation et cherchent les cas qui vérifient une relation de façon privilégiée. Les sujets recherchent la co-occurence, alors que pour le raisonnement statistique, les quatre cas sont égaux (XY, X non-Y, non-X Y et non-X non-Y).

Les raisonnements en situation, inférences pour comprendre et inférences pour agir

Ce sujet fait est traité dans le chap. VII de l'ouvrage de Richard (1990).

Jusqu'ici, les raisonnements formels ont été étudiés dans des situations expérimentales. Les inférences sont donc sollicitées par la consigne. Mais il n'y a pas d'information sur le déclenchement de ces inférences. On va maintenant voir des tâches de compréhension (d'un texte, …), de résolution de problèmes. Les inférences ne sont plus un but, mais un moyen d'atteindre un but. Un raisonnement est une suite organisée d'inférences qui aboutit à la conclusion.

Inférences à finalité de compréhension

On distingue deux processus:

- Celui d'abstraction, qui produit des inférences plus générales que les informations utilisées (dans la compréhension de récits). On infère, à partir d'une action, le but visé par celle-ci. (1) les conditions de production des inférences portant sur la description de la situation. Griggs (1976) remarque qu'on ne fait pas d'inférence reposant sur la relation de transitivité de l'inclusion. Mynatt et Smith (1979) distinguent 2 types de relation d'inclusion: - ensembliste (tous les A sont B) - topologique (A est dans B) Les relations topologiques facilitent la construction de modèles situationnels. Les conditions de la tâche influencent les résultats. Dans un texte, il n'y a pas de particularisation, car l'objectif d'abstraction prime. (2) Les conditions de production des inférences portant sur les buts et les plans. 4 inférences possibles, sur le but, sur le plan, sur le prérequis et sur l'action. Celle qui prend le plus de temps à être produite, est celle sur l'action. Si des inférences sont faites pendant la lecture, on peut s'attendre à ce que le sujet reconnaisse avoir lu la proposition correspondant à l'inférence. On remarque que le sujet fait des inférences sur les buts, les plans et les actions qui réalisent les plans, mais pas sur les prérequis des actions. Dans le cas des buts et des plans, elle est faite immédiatement et dans le cas de l'action, elle requiert plus de temps.

- Celui de particularisation, qui produit des inférences plus spécifiques que les informations initiales (compréhension de consignes). On infère, à partir d'un but, une action qui est un mode de réalisation possible de celui-ci. Les consignes ne fournissent pas le détail des actions à réaliser, mais les grandes phases de l'action. Ceci nécessite le traitement des modes de réalisation et des prérequis, qui requiert la mise en oeuvre de mécanismes de programmation de l'action. On explique par là, la lenteur et les nombreux retours en arrière, car cela nécessite des connaissances importantes, afin de lever les ambiguïtés.

La difficulté de maniement des relations d'inclusion de classes (plus de 3 ans) et d'interprétation des connecteurs (et, ou, si, …) est visible, notamment dans la compréhension de documents administratifs (Richard et al., 1993). Par exemple, lorsque plusieurs conditions doivent être réunies pour l'ouverture d'un droit, une seule est prise en compte. Une notice est plus compréhensible lorsque les classes sont exclusives et que l'intéressé ne se trouve que dans une seule classe. Si des classes sont incluses les unes dans les autres, cela rend la compréhension plus compliquée.

La difficulté du passage de la logique d'organisation interne de l'information à la logique d'utilisation. Comprendre un texte administratif c'est élaborer une procédure pour appliquer à un cas particulier les propositions générales du document. On recherche de l'information pertinente pour classer le cas dans les catégories définies et ensuite, faire les déductions nécessaires pour appliquer les dispositions valables au cas particulier. Une lecture sélective est plus facile, alors qu'un texte de règles demande une lecture complète et des retours en arrière.

Passage de la connaissance à l'action

Les activités d'exécution et les activités de résolution de problème (Hoc, 1987). On parle de résolution si n'existent pas en mémoire les connaissances nécessaires à l'élaboration d'une procédure acceptable. Ceci reprend la relation entre la tâche et les compétences du sujet. On se trouve face à un problème lorsqu'on manque de connaissances pour décider des actions à faire dans la situation ou que les connaissances appliquées ont échouées. Un incident est une situation qui devient un problème. Le sujet doit dès lors, identifier les contraintes afin de pouvoir construire les prérequis des actions permettant de réaliser les sous-buts.

Le schème chez Piaget est reproductible, assimilateur (situations nouvelles) et téléologique (significations fonctionnelles). Selon lui, il y a plusieurs capacités d'inférence immédiate: définir des actions, évaluation. L'opérationnalisation de connaissances déclaratives (Anderson, Greeno, Kline et Neves, 1981; Anderson, 1983) est la traduction d'une connaissance sous une forme exécutable. Un modèle peut servir de base à l'élaboration d'une procédure. Cela se passe par l'application de sous-buts. Il y a des connaissances implicites, accessibles seulement dans l'action. 3 hypothèses: 1. Les connaissances sont organisées à partir des buts et des procédures et non à partir des connaissances relationnelles sur les objets. On peut faire un transfert analogique entre des situations qui ont le même but. 2. Les procédures sont des propriétés des objets et elles constituent les bases de la catégorisation des objets. Le schème est le moyen de faire apparaître les propriétés de l'objet. 3. Les connaissances relationnelles sont secondes et construites pour justifier les procédures. Savoir opérationnel (savoir-faire)

La procédure suivie est la suivante, on décompose les buts en sous-buts jusqu'aux actions primitives (pousser, prendre, enfoncer une touche). Le dispositif est l'instrument utilisé pour réaliser une tâche (la main)

Plusieurs dispositifs peuvent aider à accomplir une tâche (écrire à la main, machine à écrire, traitement de texte).

Dans le réseau sémantique des types d'objets, il y a une relation d'inclusion. Les buts et procédures plus générales que d'autres sont applicables à un plus grand nombre d'objets. Elles sont incluantes.

L'information du réseau sémantique permet de savoir quels buts on peut atteindre sur un objet, tandis que l'information des procédures permet de savoir comment on peut réaliser ce but.

Un mécanisme de base de programmation de l'action consiste à passer de sous-buts en sous-buts, sans avoir en mémoire le but final. L'automatisation de l'action est plus complexe. La procéduralisation, intervient lorsqu'un schème est en mémoire. La composition de deux actions qui se suivent régulièrement dans la réalisation d'une tâche, permet donc l'enchaînement des actions (déclenchées par une commande unique). C'est un schème d'action automatisé.

Heuristiques d'ordonnancement des actions

Chaque sous-but est traité isolément. C'est le mécanisme de programmation le plus primitif. Exemple: des enfants déplacent des jetons un à un, jusqu'à ce que chaque case soit remplie.

La planification indique qu'il existe une interaction entre les sous-buts. Cette interaction entre les sous buts peut inclure que la réalisation d'un sous-but peut détruire un prérequis nécessaire à l'exécution d'un sous-but ultérieur. Il faut alors réarranger l'ordonnancement de ceux-ci. Il est important de prendre en compte plusieurs prérequis pour déterminer le sous-but.

Heuristiques de parcours

La disposition d'une tâche à effectuer influence les résultats, car le déplacement dans l'espace (parcours) est différent (Bastien, 1987)

Règles d'organisation rythmique

Ces règles concernent le rythme des objets et des mouvements. On constate 3 stades: - la maîtrise de l'alternance - la maîtrise de l'inversion de l'alternance - la maîtrise de l'organisation cyclique

Les inférences dans la résolution de problème

On élabore un processus de résolution, il n'y a pas de passage direct des connaissances en mémoire à l'action. Inhelder et Piaget (1979) pensent que les structures et les procédures sont inséparables. Ceci marque le passage à l'étude du fonctionnement cognitif du sujet en situation. La représentation est l'instrument de l'application des connaissances à un contexte particulier. L'école genevoise met l'accent sur l'interprétation de la situation engendrée par les connaissances. Pour l'école du traitement de l'information, les procédures s'élaborent par le jeu combiné des heuristiques de recherche (évaluation des résultats de l'action). Ces deux pôles tendent à se rapprocher. L'importance des inférences se voit dans l'utilisation maximale des connaissances, qui sont stockées en mémoire. Si ce n'est pas le cas (les connaissances manquent), on produit des inférences pour rattacher la situation aux connaissances. Il y a plus d'inférences dans des situations familières, car il y a des traces d'inférences en mémoire. C'est une sorte d'automatisme.

Inférences pour appliquer les connaissances à la situation

On tente de résoudre le problème, et si on n'y arrive pas, que c'est impossible, on produit des inférences, alors qu'il est plus rapide de déduire.

Inférences pour découvrir les actions possibles et leurs prérequis

On procède sous-but par sous-but, sans penser d'abord à quoi on peut conclure. Exemple de la balance (24 pièces et 1 est plus lourde, il faut la trouver avec le moins de pesée possible). Il y a un prérequis à construire. Mais l'inférence vient à la suite de l'expérience.

Inférences pour faire un ordonnancement des actions

Ce schéma part du mécanisme de base de programmation, puis par une heuristique de regroupement, et enfin, on produit une inférence supplémentaire sur l'ordre des actions à réaliser. La notion d'ordre inverse est utile, on part du but pour retrouver les sous-buts à réaliser.

Inférences pour construire des sous-buts

“Newell et Simon (1972) ont présenté un modèle général de résolution de problème, qui consiste à faire la liste des différences entre la situation initiale et la situation-but, à ordonner ces différences et à à rechercher un opérateur qui fait disparaître la différence.” (p.225-226) Il faut que les prérequis soient satisfaits. La construction régressive de sous-buts à partir d'un but ultime n'est pas la façon générale de procéder, sauf quand les prérequis des actions sont familiers.

Inférence pour vérifier la validité d'une action passe à la connaissance de quelles conditions doivent être remplies pour que l'action puisse être faite (prérequis).

Inférences dans la recherche de causes d'incidents:

Connaissances des situations prototypiques qui fonctionnent comme des schémas pragmatiques. Les hypothèses faites sur la cause d'un incident est en rapport avec la situation dans laquelle il se produit (pilotes d'avion Amalberti, 1987 et 1993). Saillance des hypothèses et situation déjà expérimentée. Si un incident n'a jamais été rencontré, on aura de la peine à le diagnostiquer. Autre hypothèse plus pertinente dans le contexte est faite, qui peut occulter la vraie cause de l'incident. Traite en général une hypothèse à la fois et cherche ce qui confirme l'hypothèse en négligeant ce qui pourrait l'infirmer.

Conclusion

Il y a deux types d'inférences:

  1. les inférences immédiates (automatiques). Elles sont mises en oeuvre par des procédures ou par l'utilisation de schémas pragmatiques stockés en mémoire de travail.
  2. les inférences explicites (lentes et produites sous certaines conditions). Leur mise en oeuvre dépend de deux conditions, qu'il n'y ait pas d'autre objectif prioritaire en mémoire de travail (que l'attention soit focalisée sur la recherche de l'inférence) et que la chaîne inférentielle soit courte.

Les inférences dépendent donc des situations particulières. Différences avec les inférences en intelligence artificielle (AI).

Remarques

Richard montre que l'esprit humain ne suit pas toujours une logique formelle. Dans des situations complexes, par exemple, on a tendance à utiliser des schémas simples, en ne traitant qu'une hypothèse à la fois ou en recherchant la confirmation plutôt que la réfutation. Pour expliquer cette manière de réfléchir, je propose de regarder du côté de l'analyse du discours. Selon une approche évolutionniste, la communication poursuivrait un but de collaboration, puisqu'il est indispensable d'échanger les informations nécessaires à la survie. Une idée opposée consiste à dire que la communication permet de manipuler les autres individus, afin d'obtenir des avantages. Dans l'absolu, la coopération est plus viable, mais cette opposition montre qu'on ne peut pas tout croire. Le contraire, douter de tout n'est pas non plus possible, car cela demanderait un traitement cognitif énorme. Comme Sperber et Wilson l'ont analysé, l'être humain recherche un maximum d'effet pour un minimum d'effort. Le principe de pertinence est primordial, le récepteur émet des hypothèses sur le vouloir dire, sur les intentions communicatives du locuteur. Ces hypothèses sont possiblement infinies, mais celles retenues sont celles paraissant pertinentes, en fonction des informations contenues dans l'environnement cognitif du récepteur. Cet environnement comprend les connaissances du monde de celui-ci, ainsi que les informations recueillies dans le discours du locuteur. Au cours d'une communication, il est impossible de traiter toutes les hypothèses et toutes les informations, des raccourcis sont donc pris, ce qui permet un traitement pas trop coûteux et viable, en fonction de sa pertinence. Il me semble que c'est le même type de procédé qui est utilisé dans la résolution de problème, si une situation est inconnue, elle demande un effort important qui est réduit en utilisant un schéma simple (une hypothèse après l'autre par exemple). Des raccourcis peuvent même être pris, si une hypothèse, nous paraissant saillante dans le contexte, est confirmée, on aura tendance à la prendre pour vraie, sans prendre en compte d'autres hypothèses pourtant également plausibles. On le voit, l'esprit humain est complexe, il possède en mémoire, des schémas d'actions qui, dans une situation familière, lui permettent de produire plus facilement des inférences correctes. Dans d'autres cas, il va tenter d'utiliser ces situations connues, en faisant parfois des raccourcis illogiques. Le contexte reste cependant important, comme dans un manuel compliqué, le sujet est vite perdu. De Saussure à montré, en communication, que le schéma trouble-résolution était souvent utilisé pour persuader, voir manipuler une audience. Ceci consiste à émettre un discours obscur pour désarçonner l'auditeur, puis à proposer une solution simple à laquelle il va adhérer. On le voit, l'esprit humain, dans une situation favorable, est prompt à faire des raccourcis cognitifs, qui peuvent parfois engendrer des erreurs de traitement.

Bibliographie

Richard, J.-F. (1990, 3ème éd. 1998), Les activités mentales: Comprendre, raisonner, trouver des solutions. Paris: Armand Colin (Deuxième partie: Raisonnements formels et raisonnements en situation).

Saussure, L. de. (2005), Manipulation and Cognitive Pragmatics: Preliminary Hypotheses, in L. de Saussure & P. Schulz (eds.), Manipulation and Ideologies in the Twentieth Century: Discourse, Language, Mind. Amsterdam – Philadelphia: Benjamins, 113-145.

Sperber, D. & Wilson, D. (1989), La Pertinence: Communication et cognition. Trad. par Gerschenfeld, A. & Sperber, D. Paris: Les Éditions de Minuit.

 
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